La catastrophe alimentaire et le risque de famine au Moyen-Orient (Palestine, Syrie du Nord, Yémen)

Au Moyen-Orient, trois zones sensibles sont exposées au risque de catastrophe alimentaire en 2022 : la Palestine, le Rojava au nord de la Syrie et le Yémen. Le taux élevé d’insécurité alimentaire et le risque de famine y sont principalement dus à l’occupation de ces régions par des forces armées étrangères ainsi qu’à des mesures coercitives unilatérales dans le cas syrien1.

Les bombardements, les frappes ciblées contre les civils, ainsi que les opérations militaires terrestres détruisent les infrastructures de ces régions fragiles, soumises à des interdictions de déplacement, et créent un état d’insécurité prolongé, un déclin économique continu et des freins à la production et au commerce local. Combinés aux effets de la pandémie COVID-19, ces problèmes ont détérioré la sécurité alimentaire des populations. En effet, ces trois régions sont le terrain de guerres asymétriques qui détruisent des greniers, des réservoirs d’eau, des étables pour animaux, des jardins d’oliviers et fruitiers, principales ressources de l’autonomie alimentaire et commerciale des populations locales.

Selon les chiffres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 2 millions de Palestinien·nes (68,5 % des foyers de la bande de Gaza) souffrent d’insécurité alimentaire en 2021. Les Palestinien·nes subissent de plein fouet les conséquences des inégalités discriminatoires dues à la pandémie ainsi qu’au dérèglement climatique. En Cisjordanie, par exemple, le secteur agricole souffre de la destruction des habitations ainsi que l’accès limité à la terre et aux ressources aquatiques. Dans la bande de Gaza, les restrictions commerciales, combinées aux pénuries d’énergie continuent de limiter la production agricole et l’activité économique de la région.

Au Rojava (Nord de la Syrie), la crise alimentaire s’aggrave en raison de la sécheresse qui dure depuis l’été 20212. L’Organisation non gouvernementale allemandeWelthungerhilfe a annoncé que le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire augmentera considérablement dans la région. « La situation de la faim dans la région est aujourd’hui absolument catastrophique », avait ainsi déclaré Konstantin Witschel, le coordinateur de l’action humanitaire pour la Syrie, en juin 2021. En effet, l’aide humanitaire est en grande partie bloquée par le gouvernement et les forces d’occupation étrangères turques, russes, états-uniennes, en fonction de leurs priorités.

De plus, selon la FAO, la Syrie dont le Rojava ont reçu 30 à 80 % de précipitations inférieures à la moyenne durant l’été 2021. La température élevée a également affecté négativement la qualité des récoltes. Les champs n’ont pas pu être irrigués en raison du manque de carburant dû à l’embargo. De même, l’administration du Rojava a déclaré que le gouvernement turc stockait l’eau dans des barrages, empêchant ainsi les populations locales d’accéder à cette ressource essentielle et faisant baisser le débit de l’Euphrate à un niveau critique.

Au Yémen, au moins cinq millions de personnes sont au bord de la famine et 16 autres millions s’en approchent, alors que la crise humanitaire devient incontrôlable dans ce pays soumis aux bombardements de la coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et ses alliés occidentaux.

La famine dont souffrent ces peuples émane de la violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en vertu duquel ils ont le droit de déterminer librement leur statut politique et d’assurer librement leur développement économique, social et culturel.

Ces trois situations de famines contemporaines résultent toutes du maldéveloppement systémique et sont aggravées par les crimes des occupations étrangères. Ce type de famine ne correspond pas seulement à un manque de nourriture ou d’accès à la nourriture, mais résulte d’un échec politique et d’un manque de respect du droit au développement. Ce n’est pas le produit de la « malchance » si la famine sévit dans ces régions. La Déclaration sur le droit au développement, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU dans sa résolution 41/128 du 4 décembre 1986, rappelle que l’ONU et ses agences spécialisés œuvrent pour « le développement intégral de l’être humain et le progrès et le développement de tous les peuples dans les domaines économique et social, y compris les instruments concernant la décolonisation, la prévention de la discrimination, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le maintien de la paix et la sécurité internationales et la promotion accrue des relations amicales et de la coopération entre les États ». Pourtant, cette déclaration est ignorée en partie par les mêmes puissances qui avaient voté en faveur du droit au développement.La famine dont souffrent ces peuples émane de la violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en vertu duquel ils ont le droit de déterminer librement leur statut politique et d’assurer librement leur développement économique, social et culturel. Les enfants et les civils meurent dans ces pays à cause de la négation du droit des peuples à exercer, sur la base notamment des dispositions pertinentes des deux Pactes relatifs aux droits de l’homme3, leur souveraineté pleine et entière sur leurs richesses et leurs ressources naturelles.

Notes

1 Les mesures coercitives unilatérales, vulgairement connu sous le terme de « sanctions » économiques, impactent gravement les droits humains. Voir à cet égard : CETIM, « sanctions économiques et pandémie de covid-19 ». En ce qui concernent la Syrie en particulier : ESCWA (UN), Humanitarian Impact of Syria-Related Unilateral Restrictive Measures, 2016, 40 p.

2 FAO, Palestine Humanitarian Response Plan 2021.

3 Il s’agit du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adoptés en 1966.

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